Le 15 septembre 2024, à la 76e édition des Emmys Awards, à Los Angeles, la série Baby Reindeer (Mon petit renne, en français) remporte quatre trophées. Richard Gadd repart avec trois, un pour l’écriture, un pour la production, un pour son rôle principal. Il décroche également un beau contrat Netflix par la même occasion.
Richard Gadd, ce soir là, portait un kilt Lady Chrystel…
Mais comment ça s'est passé ?
Dans le courant du mois d’août 2024, je reçois un coup de téléphone d’un monsieur charmant que nous appellerons Z. Il se présente, représentant de la maison Loewe et désire me commander un kilt pour « un VIP » qui doit participer à un événement très important en septembre et qui souhaite le faire en kilt.
Z me dit qu’il a fait une petite enquête autour de lui et que plusieurs personnes ont donné mon nom en disant que je suis la meilleure. C’était l’été, je revenais du jardin, les mains vertes d’avoir tailler mes tomates alors j’ai éclaté de rire en imaginant sa tête s’il me voyait. J’avais déjà beaucoup de commandes mais je dois vous avouer que l’idée d’une VIP portant un de mes kilts a flatté mon ego alors j’ai dit oui, après avoir demandé si je pourrais communiquer là-dessus. Z donne son accord, mais pas avant que le fameux événement ait lieu (il s’agissait des Emmy Awards ! ). Je donne ma parole et lui demande de m’envoyer le matériel au plus vite et de déterminer le plissage que voulait le VIP.
Z me parle de Lochcarron et je lui dis de les contacter afin qu’ils envoient le tartan directement chez moi puisque je travaille avec eux depuis pas mal de temps. Z est content. Z ne connaît rien aux kilts et il me le dit simplement, donc il compte sur moi pour le guider. Il me demande si j’ai besoin d’autre chose à part le tartan (dont il ne sait pas le nom) pour faire le kilt. Je lui parle des straps et des boucles, il me pose quelques questions sur les dimensions, et m’assure qu’elles seront livrées très rapidement.
On se quitte enchantés, il va contacter le VIP pour parler plissage.
Je dois vous avouer qu’à ce stade de l’histoire je ne savais rien de la maison Loewe ( j’ai appris depuis).
Je retourne dans le jardin pour cueillir cette fois-ci du basilic et je raconte mon coup de téléphone à Robert, mon mari.
Lui sait parfaitement bien qui est Loewe et nous commençons à théoriser sur qui peut bien être ce VIP.
Je vous passe les détails du contrat de trente pages de LVMH, les mails de Z pour les mesures, le nom du tartan, la couleur des straps… Lors d’un échange de mail avec Z, je lui demande qui est le fameux VIP, promettant de garder l’info pour moi jusqu’aux Emmy Awards, comme on me l’avait demandé. Il s’agissait de Richard Gadd. Je sollicite mon pote Google car le nom ne me dit rien, mais je ne suis pas une référence en matière de VIP actuels. J’avais regardé et aimé la série « Mon petit renne » donc je n’étais pas si à l’ouest que ça.
Tout allait bien jusqu’à l’arrivée d’un mail avec une photo, Z me disant que c’est ce que voulait le VIP. Comment vous dire ? La photo représentait un homme dont la tête avait été coupée au montage, portant un truc qui était plus une jupe se voulant fashion qu’un kilt comme j’aime les faire. J’avais mis mes filles dans la confidence. Il est toujours bon pour une maman de pouvoir frimer un peu devant ses enfants et j’avais là une rare occasion de le faire. Je leur envoie la photo de l’horreur en question, histoire de bien dégringoler du petit piédestal que j’avais imaginé. Ma grande reconnaît tout de suite la photo et le gars qui était dessus, même si on ne voyait pas sa tête. C’était une photo prise dans un cadre de militantisme bien loin de mon travail actuel. J’écris un petit mail à Z. lui expliquant que ne ferais pas… cette chose, que je ne mettrais pas mon nom sur ce truc , bref que je ne pouvais pas présenter cet accoutrement comme un kilt Lady Chrystel. Non merci, sans façon. Pourtant, Dieu sait que j’ai déjà élaboré des kilts osés, non conventionnels, complètement barrés… Mais là, non.
Je m’en excuse auprès de Z ; il trouvera quelqu’un d’autre.
Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite mais je venais de dire non à Loewe ! à LVMH !
C’était quand même sacrément gonflé de ma part !
A peine le mail envoyé que Z me téléphone en panique ; c’est pas ce qu’il voulait dire, Richard Gadd veut des plis larges, traditionnels mais très larges, pas une jupe longue, un vrai kilt, la photo n’est pas représentative, il a mis ça comme ça… Bref, on reprend à zéro et je fais une petite explication de plissage et Z donne son accord pour que je fasse ce que je sais faire. Lochcarron a assuré, comme d’habitude. J’avais demandé 5m de tartan, j’en reçois 10 en Maclean Hunting Modern.
Je fais des petits photos montage avec des propositions de plissages larges mais je termine ma série de photos avec ce qui me semble à moi, le plus beau, tout en respectant le cahier des charges. Bingo ! c’est précisément celui-là que le VIP avait choisi. J’attaque donc le kilt.
Deux ou trois jours passent et Z me téléphone. Quand Richard Gadd a appris que c’est moi qui faisait son kilt, il en a commandé un deuxième (!!!) et Z me demande si c’est possible de le faire en me laissant une semaine de plus pour le délai. Z est charmant et très attendrissant. J’avais pas prévu de prendre des vacances de toute façon… Et Lochcarron m’a envoyé très rapidement 10m de Gunn Ancient.
Je n’ai pas envoyé de photos pour le deuxième, j’ai fait exactement ce que je voulais, en respectant, bien sûr, le désir du porteur d’avoir des plis de 4cm de large, comme pour le premier.
Les deux kilts sont arrivés à temps et Richard Gadd a choisi le plus lumineux des deux pour les Emmy Awards, le Gunn. Bon, d’accord, j’aurais bien aimé qu’il le porte plus haut, qu’on voit un peu ses genoux, et avec une vraie veste de kilt… mais il y avait un peu de moi ce soir-là sur cette scène à Los Angeles…
Je suis très fière de ce travail, pour plein de raisons, mais particulièrement pour le discours que Richard Gadd a fait ce soir-là.
Un discours qui ressemble fortement à la devise du clan que je sers de mon mieux.
« Persévérez ! N’abandonnez pas ! »